EXPERICE

Centre de Recherche Interuniversitaire Expérience Ressources Culturelles Éducation

Issu du rapprochement de deux équipes, l’une de Paris 13 et l’autre de Paris 8, EXPERICE se veut un centre de recherches fortement organisé autour d’une thématique originale au sein des sciences de l’éducation. Il s’agit en effet de s’intéresser aux apprentissages et à l’éducation hors de l’école en mettant l’accent sur les situations les moins formelles, qu’il s’agisse d’enfants ou d’adultes. Il y a donc focalisation sur ce qui ne prend pas la forme scolaire, y compris les apprentissages informels au sein de l’école, avec le projet scientifique de se centrer sur le non-scolaire et de le penser dans sa cohérence globale et dans la diversité de ses aspects, avant, à côté, en marge, au-delà de la forme scolaire.

EXPERICE a vocation à explorer la diversité des espaces d’apprentissage en dehors de ceux qui ont été explicitement et exclusivement conçus pour cela, qu’il s’agisse ou non d’institutions, qu’il y ait ou non intentionnalité voir conscience d’apprendre. Il se situe délibérément dans les courants internationaux encore peu présents en France qui sous différents vocables mettent en œuvre une approche de l’apprentissage (learning) à côté de l’école. D’où l’intérêt porté à l’éducation tout au long de la vie, inscrivant la formation des adultes dans un processus qui commence dès la naissance, traversant différentes situations et institutions, en mettant l’accent sur l’auto-apprentissage (AXE C) et en s’intéressant aux processus de construction du sujet au sein de l’espace social (AXE A), à la petite enfance, la période qui précède l’école obligatoire (PRT 2), mais aussi aux moments de loisir, aux jeux, aux jouets, au multimédia, à l’ensemble des ressources culturelles porteuses d’apprentissages que l’on en ait ou non conscience (AXE B).

EXPERICE construit son objet collectif de recherche autour de la notion d’expérience comme lieu d’apprentissage, sur l’idée d’un apprentissage qui accompagne différentes pratiques sociales, y compris celles qui ne sont pas conçues comme telles (PRT 1). Cela renvoie tout particulièrement à la réflexion sur ce qu’il est convenu d’appeler éducation informelle et/ou non formelle, même si les travaux peuvent conduire à prendre des distances avec ces catégories. L’intérêt porté aux adultes se fait dans la continuité avec les apprentissages des enfants, en refusant les constructions qui conduisent à isoler socialement et théoriquement les enfants pour les penser comme radicalement différents des adultes. La formation des adultes est pensée dans la continuité d’une éducation tout au long de la vie et réciproquement le jeu et le loisir de l’enfant en tant que porteurs d’apprentissage sont pensés dans la continuité avec ceux de l’adulte. Cette façon d’envisager l’apprentissage, enraciné dans diverses pratiques sociales, présent tout au long de la vie, conduit à porter un intérêt particulier à la biographie aussi bien comme méthode de recueil des données que comme processus de construction de soi à travers des apprentissages.

Sans être exclusive la prise en compte des dimensions sociales est importante dans les approches développées par EXPERICE, qui se reconnaît cependant pleinement dans une vision des sciences de l’éducation comme lieu de croisement disciplinaire, dans un ancrage multiréférentiel. La mise en perspective d’approches psychologiques et sociologiques, anthropologiques et historiques, mais aussi philosophiques constitue un élément essentiel de la construction de la recherche au sein du laboratoire. Sans exclusive, on y privilégie des approches qualitatives, une prise en compte des significations produites par les acteurs, un intérêt pour la compréhension des phénomènes, une orientation forte, chez certains chercheurs, pour une démarche herméneutique. On peut souligner également un intérêt pour les courants critiques qui bousculent les allants de soi, supposent un travail de déconstruction qu’il s’agisse de traditions philosophiques européennes ou du mouvement post-structural contemporain, né en France mais largement développé aux Etats-Unis et dans de nombreux pays. Il faut mettre cela en relation avec la forte importance donnée à la dimension interculturelle dans les recherches, qu’il s’agisse de recherches proprement interculturelles, en particulier en relation avec le franco-allemand, élément fort aussi bien de l’histoire du groupe que de ses recherches actuelles, ou de l’importance accordée à la comparaison internationale et interculturelle.

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AXE A : LE SUJET DANS LA CITÉ : ÉDUCATION, INDIVIDUATION, BIOGRAPHISATION

S’inscrivant dans le cadre général de l’analyse des processus d’éducation informelle et des apprentissages non formalisés, l’Axe A prend pour objet de recherche les processus de construction du sujet au sein de l’espace social.

Ces processus de construction du sujet sont dans une relation étroite avec la compréhension que les individus ont de l’histoire de leur vie et du sens qu’ils donnent à leurs expériences. Ces opérations de biographisation se déploient dans des environnements historiques, culturels, sociaux, politiques, économiques qui produisent des cadres sociaux auxquels le sujet doit confronter sa biographie individuelle.

Les recherches liées à cet axe visent à comprendre les processus selon lesquels les individus à la fois agissent et se construisent en tant qu’individus au sein de l’espace social. Un intérêt particulier sera porté à la relation réciproque entre l’influence des environnements sociaux, économiques, professionnels des sociétés contemporaines sur les représentations et biographies individuelles et la capacité des individus, dans leurs pratiques sociales, à agir sur leurs contextes et à créer du lien social. On s’attachera ainsi à l’analyse des figures de l’action collective dans leurs articulations avec le territoire en tant qu’élément contextuel et champ de transformations de l’action humaine.

Les recherches se développeront dans différents domaines et à différents niveaux : relations du global et du local, intervention sociale et insertion, situations de précarités et d’exclusion, mobilités/immigrations, identités sociales et culturelles « surdéterminées », processus associatifs et construction de compétences collectives, transformations sociétales (genres, parentalité, communication et technologies modernes), école et situations de handicap.

AXE B : JEU, LOISIR ET OBJETS CULTURELS DE L’ENFANCE

Hors de l’école, des pratiques et des objets apparaissent, principalement dans le cadre des loisirs, comme supports d’apprentissages informels qui interfèrent de façon variée avec les apprentissages scolaires. Les recherches conduites dans le cadre de l’Axe B ont pour objet d’analyser la dimension et les modalités éducatives de ces objets et de ces pratiques, en s’appuyant à la fois sur leur histoire et sur leurs usages contemporains. Un intérêt particulier sera porté aux jouets, aux jeux, à la littérature enfantine, ainsi qu’aux pratiques multimédia (informatique, jeux vidéo), et aux lieux où les usagers entrent en contact avec ces objets. Au-delà, il s’agit de saisir comment les enfants et les jeunes se construisent à travers les univers culturels dans lesquels ils vivent et se divertissent, mais également comment ils contribuent à les transformer. Cet axe s’ouvre aussi à la consommation enfantine, mettant en œuvre en particulier de nouveaux objets comme les ludo-aliments et les bonbons, appréhendés dans leur dimension historique comme dans leurs usages et dans les pratiques ludiques et éducatives qui leur donnent sens. L’étude empirique et théorique de ces objets et de ces pratiques permet d’approfondir l’exploration de la culture enfantine. Certains chercheurs de l’axe B se sont ainsi impliqués dans le développement d’une sociologie de l’enfance de langue française.

AXE C : ÉDUCATION TOUT AU LONG DE LA VIE

La question de l’éducation tout au long de la vie constitue un axe de recherche qui peut avoir l’apparence première d’une évidence contemporaine, celle pour des adultes de se former professionnellement tout au long de la vie. Prenant en compte la définition de la Commission européenne qui précise que « l’éducation et la formation tout au long de la vie recouvrent aussi bien les activités d’apprentissage pour des raisons personnelles, civiques et sociales que pour des raisons professionnelles », les travaux de cet axe visent à interroger cette définition. Elle oscille entre deux extrêmes : la possibilité de (par exemple d’épanouissement personnel) et l’injonction à (par exemple l’employabilité), considérant la diversité des publics, la diversité des situations, la diversité des enseignements.

Si cette dimension de la formation professionnelle continue est incontournable et représente une grande majorité des recherches francophones, il semble toutefois essentiel de prendre du recul par rapport à cette évidence, de la critiquer et de la contextualiser. En effet, elle évite souvent de prendre en compte des perspectives de recherche dont certaines jouissent d’un intérêt croissant tandis que d’autres sont encore quasi inexplorées :

  • les dimensions de l’expérience et de l’autoformation expérientielle dans une perspective holistique et anthropologique : le travail, les études supérieures, la vie associative ou militante, la vie culturelle et intellectuelle (autodidaxies…), l’éducation populaire, les loisirs, les voyages.
  • les dimensions temporelles longues de la vie : l’éducation permanente conçue comme réellement « tout au long de la vie » sans exclure l’éducation après soixante ans, le 4ème âge, mais aussi le lien entre l’éducation primordiale formelle et informelle des premiers âges de la vie et l’éducation permanente sur toute la vie.
  • la dimension formative de l’activité, en particulier de l’activité professionnelle mais qui peut être étendue à d’autres activités
  • les recherches sur les pratiques pédagogiques liées au travail sur l’expérience personnelle : reconnaissance et valorisation des acquis, liens entre pratiques et recherches, histoires de vie. Identifiables à travers le terme générique d’ « accompagnement », ces pratiques pédagogiques sont traversées de tensions multiples susceptibles de les dynamiser : apprendre/enseigner ; transmettre/accueillir ; théorie/pratique ; individuel/collectif ; cycles/durée ; loi du marché/désir du sujet ; autonomisation/conformisation ; formel/informel, etc.

AXE D : TERRITOIRES EN EXPÉRIENCE(S)

Il s’agit d’aborder les territoires à partir, d’une part, de l’expérience que les habitants et citoyens en développent et, d’autre part, des initiatives collectives qu’ils prennent pour contribuer à leur fabrication. Le territoire est donc principalement abordé comme un espace d’expérimentation et d’apprentissage, propice au développement d’une capacitation citoyenne critique. Dans une filiation de recherche engagée, la thématique Territoires en expérience(s) a pour objectif de contribuer à développer dans des zones urbaines et rurales populaires des « permanences de recherche », à savoir une démarche de recherche conduite en coopération, dans la durée, favorisant la prise d’initiative citoyenne et l’émergence de communs. Il s’agit :

  • 1) de voir comment, conceptuellement et méthodologiquement, les savoirs spécialisés (art, architecture, sciences sociales, éducation, etc.) contribuent à un pouvoir citoyen, en collaboration avec les savoirs d’expérience présents dans les territoires et les savoirs d’usage portés par les collectifs mobilisés ;
  • 2) de réfléchir à la façon de mutualiser les acquis de ces expériences, toujours très contextualisées, afin de contribuer à leur montée en puissance citoyenne ;
  • 3) d’explorer et discuter les « méthodes de l’égalité » mises en œuvre au sein de ces expériences, afin d’éviter que les discriminations genrées, de classes, ethno-raciales, de savoir ne se rejouent au sein des coopérations et des expérimentations.