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Entretien – Le Média : l’invention d’un média progressiste

Entretien avec Fabien Granjon, réalisé par Pauline Porro (Rédactrice multimédia – Ina Global)

Fabien Granjon est sociologue, professeur en sciences de l’information et de la communication au sein de l’Université Paris 8. Il est membre du Centre d’études sur les médias, les technologies et l’internationalisation (CEMTI), laboratoire interdisciplinaire qu’il a dirigé de 2013 à 2017. En collaboration avec Venetia Papa et Gokce Tuncel, il a publié, en juin 2017, aux Presses des Mines, Mobilisations numériques. Politiques du conflit et technologies médiatiques. Avec Dominique Cardon, ils sont les auteurs de Médiactivistes (Les Presses de Sciences Po, 2013).

On ne comprend pas encore très bien la nature des liens effectifs entre Le Média et La France Insoumise. Ces affinités médiatico-politiques vous semblent-elles problématiques ?

Le Média est assurément une initiative de la France Insoumise (FI). Jean-Luc Mélenchon en a lancé l’idée et a mandaté sa conseillère en communication, Sophia Chikirou, pour faire avancer le projet. Aude Rossigneux en a été désignée rédactrice en chef. Fille de l’actuel rédacteur en chef du Canard Enchaîné – l’un des rares médias de presse écrite encore indépendant (avec L’Humanité et La Croix) – et professionnelle d’expérience, elle est censée incarner un journalisme engagé et de conviction. Elle insiste sur le fait que Le Média ne sera en aucun cas le jouet de Mélenchon et donc la courroie de transmission d’un appareil militant. De fait, quand on prend connaissance des politiques « en vue » qui soutiennent l’initiative, ils sont loin d’être tous membres de la FI, tant s’en faut. Dans la tribune du Monde le 25 septembre qui en appelait à la création d’un média alternatif « éloigné du modèle économique dominant », on retrouvait aussi bien Arnaud Montebourg qu’Eva Joly, Marie-George Buffet ou encore Philippe Poutou. Quand Laurent Joffrin, directeur de la rédaction de Libération dénonce par exemple le lien organique en Le Média et la FI, c’est finalement pour nous dire qu’un média engagé ne peut être producteur de vérité. Il est alors sous-entendu que Libération, Le Figaro ou BFM TV seraient, évidemment et a contrario de Le Média, des organes plus sûrement capables de produire cette vérité neutre et objective. C’est parfaitement ridicule et malhonnête. Aude Rossigneux avance pour sa part l’idée d’un journalisme porté par une « subjectivité honnête », c’est-à-dire d’une pratique de production d’information qui aurait l’honnêteté de reconnaître ce que la vue qu’elle publicise doit au point de vue qu’elle mobilise. Elle défend donc la nécessité d’un journalisme engagé solidaire des luttes sociales qui assume de prendre parti, mais explicite ses cadres interprétatifs. L’objectivité, ce n’est pas autre chose que cette capacité à objectiver réflexivement le prisme de l’exactitude que l’on entend publiciser.

Cette question de la neutralité de la production journalistique est tout de même une vieille lune. On retrouve d’ailleurs ce grand partage entre « bonnes pratiques » neutres et « mauvaises pratiques » engagées au sein même du champ des sciences sociales. Pierre Bourdieu parle de « fraude originelle » pour qualifier cette recherche illusoire de la neutralité en sociologie qui, quoi qu’elle s’en défende est une science politique. Le journalisme souffre d’une falsification du même ordre. Dans le champ scientifique, la critique n’a donc pas toujours bonne presse. Quant à la soi disant « bonne presse », celle que l’on qualifie par trop facilement « de référence », elle n’est assurément pas toujours critique ! Lors de sa soirée de lancement, le 11 octobre dernier, Le Média s’est moqué, en ouverture, de ces atermoiements de la sphère journalistique en singeant un JT qui aurait été entièrement dédié à la magnificence de Mélenchon. Le ton de cette soirée de lancement était d’ailleurs un peu étrange, façon talk show sympathique, par moment un peu bavard, un peu amateur aussi, mais qui faisait justement la démonstration du décloisonnement possible de l’espace public.

La création de Le Média au regard du paysage médiatique actuel représente-t-elle une nouveauté ?

S’agissant du caractère novateur ou pas de l’initiative, attendons sa mise en place effective à la mi-janvier pour objectiver, sur pièce, le dispositif. La « nouveauté » ne me semble pas être un critère déterminant pour jauger et juger ce type de projet. À l’heure actuelle, nous disposons surtout d’éléments programmatiques sur ce pure player : un média citoyen gratuit, généraliste, pluraliste, indépendant, visant une variété de publics francophones et qui défend les valeurs de l’anticapitalisme, de l’antiracisme, du féminisme, de l’écologie. Nous verrons bien ce qu’il en sortira. D’ores et déjà, on peut toutefois constater que le modèle économique de Le Média vise à se détacher du principe des actionnaires majoritaires et des mannes financières qui seraient apportées par de grands groupes industriels (Bolloré, Drahi, Bouygues, Dassault, etc.). Les levées de fond ont été organisées autour de l’idée d’une multitude de petits porteurs achetant des parts sociales et qui sont appelés des socios, à l’instar des supporters du FC Barcelone. Ces socios auront accès à des services exclusifs, mais auront surtout leur mot à dire quant à la gouvernance du dispositif qui devrait, à terme, muter en une société coopérative et participative (SCOP). Par ailleurs, il y a, me semble-t-il, un enjeu important lié à la manière dont Le Média va organiser ses collaborations avec les autres médias alternatifs, avec d’autres organisations de la société civile, notamment celle produisant de l’expertise. Il s’agira également d’observer les processus par lesquels ils entendent intégrer les publics à leurs productions et ainsi, se mettre en capacité de faciliter l’accès à l’expression politique publique et faire entendre des voix autres que celles des monopoles médiatiques dominants de la parole publique.

Visiblement, le recrutement des journalistes est en train de se faire sur des bases d’adhésion au « Manifeste pour un nouveau média citoyen » mais, au moins dans un premier temps, l’équipe rédactionnelle devrait rester modeste. Il est semble-t-il prévu qu’ils embauchent une douzaine ou une quinzaine de journalistes qui, selon toute vraisemblance, seront intégrés à une agence de presse autonome. Il n’est par exemple pas prévu, pour l’heure, que soient engagés des journalistes d’investigation et des « grands reporters ». Reste aussi à voir comment va s’organiser concrètement le travail rédactionnel et les rapports de production au sein même du dispositif. D’après ce que l’on en sait aujourd’hui, Le Média s’acheminerait plutôt vers un mode de production hybride qui mâtinerait modèle journalistique exigeant et éducation populaire politique. Les termes « décryptage » et « pédagogie » reviennent très souvent dans les discours pour décrire les contenus qui seront éditorialisés et diffusés. Ce sont des marqueurs qui tendent à affirmer qu’il s’agira de se défaire des « tyrannies » bien connues qui pèsent sur la pratique journalistique notamment soumise à l’urgence des hard news, du scoop et du commentaire à chaud.

Le Média aurait donc vocation à aider à l’éducation des citoyens ?

Le Média semble en effet avoir quelque velléité à jouer le rôle d’un intellectuel collectif polyvalent. Aude Rossigneux reste évidemment prudente quant aux développements futurs et on comprend pourquoi, mais elle ne semble pas du tout fermée à l’idée que Le Média puisse, sous certaines conditions, se transformer en quelque chose de plus vaste qui pourrait par exemple intégrer une maison d’édition. À cet égard, il serait intéressant de ne pas oublier les expériences qui ont pris corps en des temps et des situations qui, certes, ne ressemblent guère au présent de Le Média, mais qui ont été riches d’enseignement quant à la manière de conduire de vastes opérations de production critique. Je pense par exemple aux politiques culturelles qui ont été menées au Chili sous le gouvernement de Salvador Allende.

Pour Antonio Gramsci, l’hégémonie s’organise sur un plan idéologique autour de la question de l’exercice du pouvoir culturel sur les différentes classes qui ne sont pas au pouvoir, mais évidemment aussi par la « prise du pouvoir » culturel par les groupes contre-hégémoniques dans le cadre de la prise générale du pouvoir. La résistance, de ce point de vue, ne se trouve donc pas tant dans les activités de sémantisation d’un récepteur-consommateur actif, que dans les possibles construits par des individus collectivement organisés, travaillant à la mise en œuvre d’une culture critique singulière, d’une intellectualité nouvelle valorisant l’expérimentation de pratiques médiatiques populaires et participant ainsi à la lutte idéologique. Il faut par ailleurs, avec Bourdieu, être bien clair sur le fait que la « conversion des consciences et des volontés » n’est qu’une partie seulement du processus de changement social, mais faire advenir des possibles passe raisonnablement par la connaissance du probable.

Si la vocation contre-hégémonique de Le Média n’est évidemment pas, pour l’heure, d’instaurer un nouveau pouvoir culturel populaire (un front culturel renversé), il n’en reste pas moins vrai que c’est là l’occasion de proposer des pratiques démocratiques de production alternative d’information et d’encourager de nouvelles formes de communication sociale. Avec l’aide et la collaboration d’autres médias alternatifs – Gérard Miller a notamment précisé, il y a peu, que l’équipe a bien la volonté de travailler en bonne intelligence avec la Coordination permanente des médias libres et des médias citoyens (Acrimed, Fakir, Bastamag, Reporterre, TV bruits, Radio MNE, etc.) – Le Média pourrait peut-être se mettre en capacité de jeter les bases d’une véritable culture populaire luttant contre la domination symbolique, déconstruisant les fausses évidences des discours dominants, mettant au jour les déterminants sociaux qui structurent ces pratiques discursives, ainsi que la manière dont ils pèsent sur les esprits des sujets sociaux. Aussi, tout ce qui pourrait a priori aller dans le sens de la mise à mal de la domination symbolique pourrait trouver sa place dans une configuration médiatique plus large dont Le Média pourrait être un des éléments moteurs. Ces éventuelles évolutions ne sauront prendre forme que sous condition des nécessités de la période et notamment du niveau d’intensité de la conflictualité sociale.

Pensez-vous que la création de Le Média est à mettre en parallèle avec l’émergence récente de nouvelles revues en ligne ou papier (Limites, L’incorrect, Le Comptoir, Phillit, Lundimatin…),  assumant un parti pris radical ?

Les médias que vous citez ne me semblent pas faire partie des modèles de Le Média. En revanche, il est évident que les initiateurs du projet devaient avoir en tête, au moins pour certains d’entre eux, quelques unes des expériences médiatiques menées dans le prolongement des mouvements dits « de crise » qui se sont trouvés au cœur de la critique sociale ces dernières années. Je pense notamment au mouvement des Indignados (15-M) en Espagne et du mouvement Occupy aux États-Unis. Dans un cas comme dans l’autre, bien que lesdits cas soient à bien des égards dissemblables, nous avons vu ces mouvements alimenter pour partie les scores de certains candidats lors des séquences électorales qui ont fait suite à ces mobilisations d’ampleur. Podemos et Bernie Sanders – l’un des candidats à la primaire démocrate de 2016 – ont ainsi obtenu des résultats plus qu’honorables au regard de la structure des opportunités électorales qui cadraient leurs candidatures. Je ne développe pas davantage ce point qui nous éloigne du cœur de notre propos, mais force est de constater que ces deux formations politiques ont l’une et l’autre fait un usage particulièrement habile des technologies de l’informatique connectée. Podemos et les soutiens de Sanders se sont appuyés sur des émissions, voire des programmes audiovisuels plus complets, respectivement La Tuerka (notamment présentée par Pablo Iglesias) et The Young Turks (TYT), qui comptent 160 000 abonnés pour l’une et plusieurs millions d’abonnés pour l’autre. Début octobre, Le Média a affiché son soutien aux journalistes du pure player américain, arrêtés alors qu’ils couvraient des manifestations organisées dans la ville de Saint Louis par le mouvement Black Lives Matter. Des membres de TYT ont également créé, avec d’anciens membres de l’équipe de Sanders, Justice Democrats, une organisation politique qui lutte pour la justice sociale et dénonce la politique menée par Donald Trump. Quant à Podemos, il s’est lancé dans la création d’un centre culturel dans le quartier Arganzuela de Madrid. La Morada, c’est son nom, comprend notamment une librairie, un espace de formation et de réunion et un lieu dédié aux événements. Ces initiatives montrent l’importante porosité qu’il peut y avoir entre le politique, le culturel et le médiatique.

Le Média a-t-il vocation à rester un média de niche ?

De ce point de vue, Le Média est assurément un pari puisqu’il ne s’agit pas seulement de proposer un dispositif médiatique de plus dans le paysage des médias dits « alternatifs » ou « indépendants », mais bien de venir se frotter à la « grand messe » du journal télévisé. Même s’il est affirmé, à raison, qu’il ne s’agit pas de concurrencer les chaînes de télévision traditionnelles, le choix de construire un journal d’information quotidien diffusé à 20 heures dit évidemment quelque chose des ambitions de Le Média en ce domaine. Le bulletin d’information a vocation à concourir avec la liturgie et les sacristains des JT des médias dominants. Reprendre des formats et les codes habituellement utilisés, mais en faire quelque chose de différent est un vieux dilemme de la presse progressiste. Si l’extension du domaine de la lutte passe par une production symbolique contre-hégémonique allant à l’encontre de la naturalisation de la reproduction sociale et de la domination symbolique, peut-on toutefois se contenter d’une simple « inversion de signe » des messages ? Autrement dit, ne faut-il pas aussi changer les modes de production de la culture et de l’information eux-mêmes ? Ces questions restent ouvertes.

Par ailleurs, Le Média n’a pas vocation à se placer sur le même créneau qu’un titre comme Mediapart dont la spécificité tient notamment au travail d’enquête qui y est mené et au débusquage d’affaires. En revanche, il pourrait éventuellement s’en rapprocher par certains aspects, par exemple à l’instar du principe d’une plateforme de blogs permettant la mise en visibilité et en publicité d’une expression plus singulière, subjective et spécialisée. Le Média se veut pour le moment un support essentiellement audiovisuel, mais on peut imaginer que cette orientation puisse évoluer au fil du temps et s’enrichir de formats connexes à l’instar de ce qu’a inventé Podemos avec son émission de débat Fort Apache, aussi présentée par Pablo Iglesias. Encore une fois, il faut attendre de voir quels sont les développements qui viendront garnir la proposition centrale de production d’un JT alternatif quotidien.

Je ne suis pas certain de déchiffrer correctement ce que vous entendez par « média de niche ». S’il s’agit de dire de Le Média qu’il sera a priori confidentiel avec une faible audience, cela reste à voir. Certains dispositifs équivalents comme ceux que nous venons d’évoquer mobilisent des audiences qui sont loin d’être ridicules. S’il s’agit de souligner que Le Média s’adresse à des publics ciblés, c’est une évidence puisqu’il revendique une ligne éditoriale tout à fait claire, foncièrement à gauche. Toutefois, ces publics constituent, ensemble, davantage qu’une minorité active. L’idée de Le Média est de pouvoir rassembler un large spectre de citoyens et il s’en donne les moyens. Pour être viable, les initiateurs de Le Média estiment que la souscription en soutien au projet devra atteindre les 2 millions d’euros. C’est beaucoup d’argent et il me semble évident qu’un tel investissement n’a pas vocation à contenter une fraction militante déjà acquise à la cause, mais entend bénéficier d’un « retour sur investissement » plus vaste. Il s’agit de mettre en œuvre un dispositif de mobilisation du consensus susceptible de déboucher sur des formes d’action politique. Le Média est un projet politique, il ne s’en cache pas et devrait donc en tirer toutes les conséquences, notamment quant au rôle qu’il se doit de tenir dans la mobilisation de l’action.

Plus généralement, qu’est-ce que Le Média traduit du paysage politique actuel en France ?

C’est une question centrale. Le Média n’est pas seulement l’expression d’une « volonté médiatique », mais il s’inscrit assez clairement dans le prolongement de la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon. Les « nouvelles » manières d’informer sont à mettre en parallèle avec les « nouvelles » manières de faire (de la) politique. Lors des dernières élections pour l’exercice des plus hautes fonctions du pouvoir exécutif, Mélenchon a théorisé une stratégie de communication fondée sur la conflictualité à l’égard des médias dominants qui le présentent rarement sous un bon jour. Il s’est aussi massivement appuyé sur les possibilités offertes par l’informatique connectée et le développement d’outils numériques facilitant l’autonomie de représentation, la construction de problèmes publics, les adresses ciblées, l’organisation et la coordination des collectifs mobilisés, et même, en l’occurrence, l’ubiquité hologrammique. Mélenchon a également sa propre chaîne YouTube grosse de 370 000 abonnés. Sa candidature a bénéficié d’une réelle dynamique à la base qui a notamment été portée par des groupes d’appui qui se sont auto-organisés pour mener campagne. Pour monter l’un de ses collectifs, il suffisait d’en faire la proposition sur Internet. Cela a notamment permis de fédérer des personnes qui souhaitaient s’engager, mais pouvaient avoir quelque réticence à s’investir dans un collectif militant plus traditionnel, avec ses préalables et ses rites. L’usage d’Internet favorise en effet la constitution de collectifs par agrégation et connexion.

Aussi, n’est-il pas étonnant de constater que le manifeste de Le Média a notamment été diffusé via des canaux comme Change.org et les sites de réseaux sociaux les plus courus. Il n’est pas non plus surprenant d’apprendre que La République en marche d’Emmanuel Macron, l’autre mouvement politique qui a pleinement profité des potentialités ouvertes par Internet, ait également la volonté de créer son propre média. Il s’agirait même de « se constituer comme un média », rappelant ainsi les thèses léniniennes de Que faire ? sur le journal comme organisateur collectif. Dans les sociétés capitalistes avancées au sein desquelles le niveau d’affrontement social bien qu’élevé n’ouvre pas de crise révolutionnaire majeure, les batailles politiques sont toujours d’abord des combats symboliques, des guerres de position qui sont d’autant plus âpres que lesdites sociétés font face à des crises institutionnelles, idéologiques et de légitimité qui tendent à la permanence. Dans ces conditions, il devient crucial pour les acteurs politiques de se donner les moyens de leur autonomie représentationnelle et de pouvoir donner à lire, voire et entendre des contenus qui vont dans le sens de ce qu’ils défendent et de leurs intérêts de caste et/ou de classe. À l’heure des fake news, du confusionnisme, du néoconservatisme et de la décomplexion des idées les plus réactionnaires, les luttes idéologiques sont devenues particulièrement aiguës. La structure de propriété des grands médias témoigne évidemment de cette volonté de contrôler les idées. Sans garantie certaine, les logiques médiatiques de naturalisation des ordres sociaux visent à réguler les élans critiques et à dévitaliser les politiques du conflit. Les affrontements symboliques jouent donc un rôle non négligeable dans la mise en acceptabilité des conditions d’existence ou, au contraire, dans la possibilité d’envisager des alternatives crédibles à ce qui tend à être présenté comme des impératifs fonctionnels. Si ce ne sont pas uniquement les idées qui font le et la politique, celles-ci ne sont pas non plus « qualité négligeable » en ce domaine. Le Média me semble être l’une des initiatives qui prend au sérieux cet état de choses et vise à renforcer idéologiquement les citoyens de gauche conséquents. C’est d’ailleurs ce qui, en substance, lui est principalement reproché par une partie des agents du champ journalistique qui y voient, à raison, une ligne éditoriale qui s’avère être une critique en acte de leurs pratiques et de leurs propres engagements qui ne disent pas toujours leur nom.