Journée d’étude – Surveillances interpersonnelles – Jeudi 26 juin 2025

9h-9h15 : Accueil


9h15-9h30 : Introduction – Fabien Granjon

Bonjour à toutes et à tous et merci de participer à cette journée d’étude dédiée aux surveillances interpersonnelles ; journée qui signe le lancement d’un programme de recherche au Sophiapol sur le contrôle social et les logiques de surveillance, programme qui sera jalonné d’initiatives régulières à partir de la rentrée prochaine : un séminaire, des journées d’études, des projets éditoriaux, etc..

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Avant que nous rentrions dans le vif du sujet, permettez-moi de rajouter quelques mots, brefs je vous rassure, sur le thème de cette journée d’étude, les surveillances interpersonnelles.

Force est de constater que la banalisation des outils de surveillance et donc de la surveillance elle-même ont conduit au développement de formes de vigilance et d’attention scrutatrice décentralisées. Elles ne sont plus seulement le fait de structures verticales du pouvoir et d’institutions dédiées (bien que celles-ci puissent les promouvoir et les inciter), mais de personnes qui, de leur propre initiative, s’engagent dans de telles pratiques, pour des raisons diverses (curiosité, éducation, sécurité, jalousie, syndrome paranoïaque, divertissement, etc.). 

Les travaux menés sur l’usage des réseaux sociaux numériques révèlent par exemple que les potentiels de surveillance offerts par ces dispositifs sont appréciés, parfois désirés et constituent même l’un des motifs centraux de leur utilisation. Cette forme spécifique de surveillance est tour à tour qualifiée, dans la littérature spécialisée, de rhizomatique (Haggerty, Ericson, 2000), latérale (Andrejevic, 2005), participative (Albrechtslund, 2008), interpersonnelle (Trottier, 2012a/b) ou encore de sociale et réciproque (Marwick, 2012), expressions auxquelles, pour ma part, je préfère le syntagme aguets latéraux ou les termes de co-veillance (Mann et al., 2003 ; Mann, 2016) ou d’entreveillance (Aïm, 2020), afin de conserver le terme de surveillance pour décrire les logiques top-down. 

De fait, comme le note Vanessa Codaccioni, la logique des aguets latéraux reste attachée, sous certains aspects, aux dynamiques de surveillance et peut en être une déclinaison. Elle participe notamment, « d’une sécurité inclusive qui [fait] participer les citoyennes et les citoyens à la défense de l’État et des populations civiles, et, incidemment, les [associe] à la lutte contre des ‘‘ennemis publics’’, que ces derniers soient des ennemis politiques, des criminels ou des délinquants de droit commun, ou encore, plus récemment, des terroristes » (2021). Cette articulation aux politiques d’État ne saurait toutefois représenter l’ensemble des pratiques d’aguets latéraux. Il en est beaucoup d’autres modalités qui s’éloignent plus nettement de cette forme d’auxiliarisation sécuritaire et qui tiennent à la scrutation d’autrui, notamment (mais pas seulement) via son « spectre numérique », c’est-à-dire l’ensemble des traces (in)volontaires qu’il laisse du fait de ses usages des TNIC. La présente journée nous permettra assurément d’en découvrir nombre d’aspects.

À l’ère du numérique, chacun semble pouvoir être à la fois entreveillé et entreveillant et semble globalement se satisfaire de cette possibilité d’intervisibilité. Des travaux montrent, par exemple, que les jeunesses des sociétés capitalistes avancées se sont largement accoutumées aux procès de surveillance et d’omni-panoptisation, même si, à l’évidence, les conséquences de ces pratiques d’aguets latéraux ne sont pas toujours positives (créant angoisse, mésestime de soi, discrimination, harcèlement, etc.) et participent des cultures individualistes et consommatoires notamment fondées sur la concurrence, l’optimisation et la performance/productivité de soi. 

Cette symétrisation des rôles entre coveillants et coveillés ne veut toutefois pas dire qu’il y ait similarité et encore moins égalité des « vues scrutatrices », dans la mesure où celles-ci dépendent des points de vue de ceux qui épient, de qui ils sont, de leurs compétences, de leurs dispositions, de qui ils scrutent, de la manière dont ils les observent et des rapports sociaux qui définissent les relations qui relient scrutés et scrutants. La dialectique épiés/épiants dépend tout autant de la capacité des scrutés à maîtriser la visibilité de leurs attributs identitaires, à réserver la déprivatisation du soi à certains « regards » seulement, à « gérer des publics disparates sous un même script social » (boyd, 2008 : 18), à contrôler leurs décontrôles, mais aussi à lutter contre les intrusions (anonymisation, cryptage, déréférencement, etc.). 

Si le niveau de compétence des usagers n’est pas toujours à la hauteur du niveau de protection numérique qu’ils souhaiteraient mettre en œuvre, ils n’abandonnent pas pour autant l’idée qu’il est des espaces privés ou intimes qui ne sauraient être mis en visibilité sans quelque précaution. La privacy reste un thème central au nombre des préoccupations des usagers des TNIC, mais d’aucuns estiment, non sans paradoxe, que la surveillance est aussi une sorte de droit social qui devrait être, au même titre que la vie privée, protégé par des règles juridiques. Surtout, elle reste socialement distribuée. Si les risques pris en termes de dévoilement de soi sont généralement considérés et justifiés en raison des opportunités (notamment relationnelles) qu’ils peuvent ouvrir, ce jeu sur les coûts et les conjonctures est d’autant moins aventureux que l’on connaît bien les possibilités d’ajustement technique des dispositifs utilisés et que l’on a, surtout, pleine conscience des implicites sociaux quant aux manières de se donner à voir.

Nul doute que notre journée nous apportera quelque éclairage sur ces phénomènes d’entreveillance et sur nombre de leurs caractéristiques…


9h30-10h30 : Conférence d’Olivier Aïm – Une introduction aux théories de la surveillance / Discutant : Yann Bruna


10h30-12h : Jeunesses sous surveillances – Discutant : Pascal Vallet

Rosa Bortolotti – « Accompagner » dans la rue et « surveiller » sur les réseaux sociaux : quand les représentations sur les pratiques numériques des jeunes trahissent les principes du métier d’éducateur de rue.

Évelyne Barthou – Jeunes kanak sous surveillance : des représentations des professionnel.les à la réalité des jeunes

Yann Bruna – « L’enfer, c’est les autres ? ». Enjeux et pratiques des surveillances entre pairs à l’adolescence


12h-13h30 : Déjeuner 


13h30-14h30 : Des dispositifs de la surveillance – Discutant : Yann Bruna

Hélène Bourdeloie – Le smartphone en Arabie Saoudite, un instrument pour épier les conduites sociales ?

Mehdi Ghassemi – Cartographie critique des surveillances verticale et latérale dans le paysage sériel contemporain : le cas de The Capture


14h30-16h : Surveiller les corps, surveiller son corps  – Discutant : Fabien Granjon

Beatriz Collantes – « Tu devrais faire attention ! » La surveillance des corps dans les clubs fitness.

Dimitra Laurence Larochelle – Autosurveillance corporelle au prisme du genre : représentations, discours et usages

Julien Onno – Du Quantified Self à la surveillance latérale : quelles mises en visibilité de ses données corporelles numériques ?


16h-17h : Table ronde et conclusion


Université Paris Nanterre, Bâtiment D – salle 201 – UFR SSA / Contact :  / 

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