Du 30 juillet au 04 août 2017
Présentation
L’École d’été du poïélitique est une initiative dérivée d’un dispositif de recherche qui a débuté en octobre 2015, date à laquelle le CEMTI lance un programme intitulé « UZ-topies à vivre. Territoires critiques, logiques émancipatoires, résistances et cultures populaires en Jazzcogne ». Son objectif est alors de saisir le travail mené à l’année à Uzeste, espace rural où se mêlent, contre toute attente, des formes de mobilisation à la fois sociales, théoriques et esthétiques qui font émerger des formes de résistance populaire pesant et agissant au quotidien. Uzeste est connu pour son festival d’été – les hestejadas de las arts – qui fête, cette année, son quarantième anniversaire. Sa notoriété vient également du fait que ce village du Sud Gironde est la « base arrière » de la Compagnie Lubat dont les activités ne sont pas seulement affaire de musique. Celles-ci relèvent en effet, d’abord, d’un engagement critique visant la création d’un front culturel de résistance populaire qui se constitue au creuset d’une réalité sociale ancrée dans une localité singulière, traversée par des problématiques, des enjeux, des conflits et des luttes qui sont la conséquence de dynamiques économiques, politiques et culturelles, à la fois (trans-)nationales et régionales. L’amusique « d’ici d’en bas » n’a vocation ni à divertir, ni à ornementer, ni à célébrer, mais à prendre (sa) pleine part à l’édification d’une culture politique libératoire, ainsi qu’à l’émergence d’une communauté conscientisée, sensibilisée et mobilisable à des fins de transformation sociale, c’est-à-dire en capacité de se projeter dans un avenir actualisant des possibles émancipatoires.
Le programme de recherche du CEMTI a par ailleurs donné lieu à la tenue d’un séminaire doctoral « UZ-topies et « territoires critiques » : penser Uzeste (2015-2016) » ; à la publication de l’ouvrage Les UZ-topies de Bernard Lubat – Dialogiques (coll. Jazz en France, Éditions Outre Mesure – Paris, 2016) ; à l’adaptation de cet ouvrage en une lecture mise en scène par le Théâtre de l’Intranquillité ; à la tenue d’un stage de formation par la recherche pour des étudiants de Master 2 de Paris 8, consistant en la réalisation d’une enquête par questionnaire sur les publics de l’hestejada de las arts 2016 ; ainsi qu’à un cycle de conférences sur le thème « Critique et Industries culturelles » durant ce même festival.
Poïélitique
« Poïélitique » est un terme inventé par Bernard Lubat pour qualifier l’activité culturelle qu’il déploie, depuis maintenant quarante ans, à Uzeste ; laquelle se trouve au carrefour d’espaces critiques pluriels. Nous qualifions ces derniers d’« UZ-topies » : mot-valise qui souhaiterait rendre compte du fait qu’Uzeste est l’espace d’une utopie concrète ; non pas l’abstraction idéaliste d’un monde meilleur, mais un principe organisateur d’une pratique concrète d’émancipation. Autrement dit, la problématique utopique dialectise la réalité concrète et les possibles qui visent à fragiliser le contraint et favorisent, selon la jolie formule Florent Perrier, « l’émergence au présent du subversif d’une réalité autre dont témoignent les possibles ». Ces « UZ-topies » sont donc, à Uzeste, de nature poïélitique. Elles « créolisent » des formes variées de production critique liées à des luttes à la fois pratiques, symboliques et sensibles. Et ces formes variées de production critique constituent, de fait, un arsenal de ressources permettant que se déploient des dynamiques d’individuation qui permettent aux individus qui s’y risquent de déjouer certaines des formes de domination dont ils sont l’objet. Le poïélitique, catégorie qui tient donc à la fois du poïen-faire, de la poïèse-créativité, de la poïesis-art et de la polis-politique, est le « lieu » d’une Rencontre où se rejoignent des activités critiques fondamentales qui généralement disjointes et réservées à des espaces sociaux spécifiques, sont, à Uzeste, travaillées pourrait-on dire, de concert. Le poïélitique crée des inflexions et des densifications critiques qui ouvrent des possibles pour l’individu qui sous certaines conditions voit ses espaces critiques de pensée (intellect), de sensibilité (affect) et d’action (praxis) reconfigurés.
L’« École d’été du poïélitique » a pour objet principal de penser cette créolisation critique, la combinaison de politiques de la pensée, de l’action et du sensible permettant, comme le proposait Édouard Glissant, de mener « un combat pour déclencher la participation initiative de tous à une expression réellement collective ». Uzeste est le lieu idéal pour travailler à la compréhension de ce front de résistance culturel qui fait se coudoyer « moment artistique » et « moment politique » et fait travailler ensemble les imaginaires, les sensibilités, les consciences, les pensées et l’action. La compagnie Lubat de Jazzcogne et Uzeste Musical proposent en effet des actes poïélitiques constituant les aspects sensibles du lien critique théorie-pratique et tentent ainsi de se trouver à l’initiative d’une volonté collective permettant d’unir ses publics, soutiens et concitoyens autour d’une conception du monde qui, en l’occurrence, ne relève pas d’un programme politique d’ensemble, mais d’un ensemble de micropolitiques d’individuation, c’est-à-dire d’un « développement concret des potentialités propres à chaque singularité » (Perrier).
L’« École d’été du poïélitique » se donne donc pour tâche de saisir la nécessité du poïélitique qui vise à produire des alternatives sensibles, à rendre sensible les alternatives et à fournir les ingrédients de base à des révoltes intimes. Elle vise ainsi à apprécier la rencontre poïélitique d’un partage du sensible, des idées et de la lutte, dans l’épreuve d’un mode d’être au monde commun, et à appréhender les expériences politiques qui ne dissocient pas sensibilité, savoirs et luttes sociales.
Pour qui et pour quoi ?
Le premier objectif de l’« École d’été du poïélitique » est de conduire un ensemble de discussions permettant de décrire, d’analyser et de juger des rencontres possibles entre trois types de critique : artistique, sociale/politique et scientifique.
Elle s’adresse à des publics variés (artistes, militants, « social scientists », etc.) et elle favorise la rencontre et l’échange entre les participants (intervenants et stagiaires).
Trois temps forts rythment quotidiennement l’École : conférences-débats en matinée, ateliers l’après-midi et spectacles le soir. Outre les attendus de formation autour de la « créolisation » des critiques, l’autre objectif de l’école est d’accompagner l’ensemble des participants dans la rédaction d’un manifeste du poïélitique. Celui-ci sera inséré au sein d’un projet éditorial plus vaste intitulé Politiques d’UZ, dirigé par Julie Denouël et Fabien Granjon et publié par les Éditions du commun (2018). Par ailleurs, le manifeste rédigé à cette occasion, sera également le support d’un film qui sera réalisé par les étudiants de l’École supérieure des Beaux-arts de Quimper, sous la direction de Jean-René Lorand (photographe-cinéaste et enseignant au sein de cette école). Ce film composé de lectures réalisées par les participants de l’École sera diffusé durant la 40ème édition de l’Hestejada de las arts sur le « mur du poïélitique » (qui aura lieu la 3ème semaine d’août). L’ensemble des conférences, ainsi que des « morceaux choisis » des ateliers seront filmés par cette même équipe, enregistrés en audio et diffusés en ligne.
Programme
Dimanche 30 juillet : accueil
- 13h-17h30 : Accueil
- 18h30-19h00 : Bernard LUBAT et Fabrice VIEIRA : Uzeste et le poïélitique
- 19h : Infos logistiques
- 20h : Dîner
Lundi 31 juillet – Conflits politiques & Politiques du conflit
- 10h-13h : Conférences-débats
- Jean-Baptiste COMBY : La déconflictualisation du changement politique. Le cas de la « transition » écologie
- Sophie BÉROUD : Luttes sociales et conflits du travail
- 13h30 : Déjeuner
- 15h-17h30 :
- Atelier 1 – Engager l’art
- Atelier 2 – Engager la connaissance
- 19h30 : Dîner
- 21h30 : Concert – L’Amusicien d’UZ – Bernard Lubat
Mardi 01 août – Sciences politiques & Politiques des sciences
- 10h-13h : Conférences-débats
- Fabien GRANJON : Des sciences engagées
- Irène PEREIRA : Pragmatisme de l’action et critique scientifique
- 13h30 : Déjeuner
- 15h-17h30 :
- Atelier 1 – Théoriser l’art
- Atelier 2 – Théoriser le politique
- 19h30 : Dîner
- 21h30 : Lectures – Compagnie UZ & Coutumes
Mercredi 02 août – Arts politiques & Politiques des arts
- 10h-13h : Conférences-débats
- Olivier NEVEUX : Arts et politique : enjeux d’un rapprochement
- Hervée DELAFOND : Trouver le point G du public, passer outre les interdits
- 13h30 : Déjeuner
- 15h-17h30 :
- Atelier 1 – Sensibiliser la connaissance
- Atelier 2 – Sensibiliser le politique
- 19h30 : Dîner
- Soirée off
Jeudi 03 août – Du poïélitique I
- 10h-13h : Conférences-débats
- Isabelle GARO : Art et capitalisme : intégration ou résistance ?
- Alexandre PIERREPONT : L’Association for the Advancement of Creative Musicians : une anthropologie de la singularité et de l’être-en-commun
- 13h30 : Déjeuner
- 15h-17h30 :
- Atelier 1 – Manifeste Poïélitique : écriture
- Atelier 2 – Manifeste Poïélitique : écriture
- 19h30 : Dîner
- 21h30 : Cinéma – Howard Zinn : une histoire populaire américaine (Les Mutins de Pangée)
Vendredi 04 août – Du poïélitique II
- 10h-13h : Atelier commun – Manifeste Poïélitique : écriture
- 13h30 : Déjeuner
- 15h-17h30 : Ateliers d’enregistrement vidéo/lectures
- 19h30 : Dîner
- 21h30 : Concert – Qui vivra Vieira – Fabrice Vieira
Liste des intervenant·e·s
L’École d’été du poïélitique sera notamment animée par : Jean-Baptiste COMBY (Université Paris 2), Sophie BÉROUD (CNRS), Julie DENOUËL (Université Rennes 2), Fabien GRANJON (Université Paris 8), Irène PEREIRA (Université Paris 10), Olivier NEVEUX (ENS Lyon), Isabelle GARO (Lycée Chaptal-Paris), Alexandre PIERREPONT (Université Paris 5), Bernard LUBAT (Compagnie Lubat), Dalila BOITAUD (Compagnie UZ et Coutumes), Hervée DELAFOND (Théâtre de l’Unité), Fabrice VIEIRA (Compagnie Lubat), La Compagnie UZ et Coutumes, Olivier AZAM (Les Mutins de Pangée), etc.
L’école d’été du poïélitique a été co-organisée par le Centre d’Études sur les Médias, les Technologies et l’Internationalisation (CEMTI – Université Paris 8), le Centre de Recherche sur l’Éducation, les Apprentissages et la Didactique (CREAD – Université Rennes 2), l’Institut d’Histoire des Représentations et des Idées dans les Modernités (IHRIM – ENS Lyon), Uzeste Musical et la Compagnie UZ et Coutumes.