Séminaire — Matérialismes, culture et communication / 2013-2014
Ce séminaire a pour ambition de souligner l’importance des perspectives matérialistes dans le saisissement des faits culturels, médiatiques et technologiques. Il s’agit notamment de redonner quelque actualité aux appuis conceptuels développés par d’importants penseurs critiques et d’en souligner toute la pertinence, notamment pour appréhender, le répertoire des liens variés qui unissent l’homo communicans aux sociétés capitalistes avancées. Les modèles d’analyse qu’ils proposent nous invitent notamment à relever le défi d’une certaine unité intellectuelle visant à mettre en lumière les formules génératrices des modalités médiatiques, industrielles et technologiques de domination sociale et symbolique, ainsi que leurs contradictions. Et si à l’aune de ces pensées critiques, les faits sociaux de communication sont à considérer comme participant du maintien de formes de domination, ils sont également à envisager comme pouvant participer du déplacement des conduites sociales dans le sens d’une certaine émancipation.
PROGRAMME
Séance 1 – Fabien GRANJON & Michel SÉNÉCAL : Matérialismes, cultures et communication : une introduction.
INTRODUCTION FG : Nous sommes donc aujourd’hui réuni pour lancer le séminaire « Matérialismes, culture et communication » qui se déroulera durant les deux prochains mois, très exactement jusqu’au 25 avril. Comme vous le savez sans doute, ce séminaire est organisé par le CEMTI, le Centre d’Études sur les Médias, les Technologies et l’Internationalisation dans le cadre de l’École doctorale « Sciences sociales ». C’est un séminaire largement ouvert : étudiants, doctorants, enseignants-chercheurs de Paris 8 et d’ailleurs et qui, selon toute vraisemblance, donnera lieu à la publication d’un ouvrage en 2015.
Plusieurs spécificités à ce séminaire : la première d’entre elle tient évidemment à la présence de notre ami Michel Sénécal, qui est cette année, professeur invité du CEMTI et de l’UFR Culture & communication et avec qui j’aurais la chance de co-animer le présent séminaire. Je me permettrais donc de commencer par vous présenter plus avant mon partenaire de jeu : Michel Sénécal est professeur et chercheur en communication à l’UER Sciences humaines, lettres et communication, de la Télé-université de Montréal depuis 1993. Auparavant, il a été enseignant-chercheur au Département des communications à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), tout en œuvrant en parallèle dans le domaine de l’audiovisuel où il a exercé les métiers de photographe, de réalisateur et de scénariste. Par ailleurs, Michel est membre de la direction et chercheur permanent au Centre de recherche GRICIS de l’UQAM, laboratoire avec lequel nous entretenons de nombreux liens, il est aussi chercheur associé au Groupe de recherche sur les arts médiatiques de l’UQAM et « étonemment » au Centre d’études sur les médias, les technologies et l’internationalisation. Il participe présentement à un programme de recherche portant sur la « Gouvernance des systèmes de communication », vient de terminer récemment un projet de recherche sur la « Société civile, la critique sociale et les espace médiatiques » (2009-2012) et a également contribué ces dernières années à l’élaboration du projet « Luttes sociales et technologies médiatiques numériques : pratiques et mobilisation collective ».
L’un des axes problématiques des travaux de Michel concerne une réflexion épistémologique sur la matérialité de la pensée critique, ce qui en fait à l’évidence un partenaire de choix pour le présent séminaire. Michel est l’auteur de très nombreux articles et ouvrages. Permettez-moi d’en citer quelques-uns : Pour un regard-monde qui a été publié avec Armand Mattelart aux Éditions La Découverte en 2010. Citons également Communautés virtuelles : penser et agir en réseau en 2006, Média à l’école en 2006, Médias, technologies et réseaux : de la camera obscura aux balises de l’inforoute en 1996 ou encore, et c’est mon préféré : L’espace médiatique: les communications à l’épreuve de la démocratie en 1995.
La deuxième spécificité du séminaire tient à son format, puisqu’il s’agit d’un « séminaire long » qui se compose de 10 séances qui pour la plupart se tiendront le vendredi de 9h30 à 12h30 en salle B106 (sauf indication contraire : par deux fois nous changerons de salle) et modulo le fait qu’à deux reprises certaines séances seront regroupées en journées d’études : une première journée d’étude aura lieu le vendredi 21 mars et une seconde journée d’études viendra cloturer le séminaire le 25 avril. Chacune de ces journées s’organisera en deux temps avec une intervention le matin et une l’après-midi. S’agissant du programme détaillé vous avez du le recevoir, mais vous pouvez également le trouver sur le site du CEMTI, celui de l’école doctorale ou bien encore ici puisque nous en avons photocopié quelques-uns.
Enfin la troisième spécificité du séminaire tient cette fois à son sujet même puisque le présent séminaire a pour ambition de souligner l’importance des perspectives matérialistes dans le saisissement des faits culturels, médiatiques et technologiques. Et pour ce faire, nous avons fait le choix de confier à un certain nombre de collègues, professeur, maître de conférences, jeune docteur et venant d’horizons disciplinaires variés (SIC, sociologie, psychologie, philosophie, sciences de l’éducation), la tâche de venir présenter les pricipaux appuis conceptuels développés par d’importants penseurs critiques dont certains ont été un peu oubliés, et ce, pour en souligner toute la pertinence afin d’appréhender, le répertoire des liens variés qui unissent l’homo communicans aux sociétés capitalistes avancées. En résumé et par ordre d’apparition : votre serviteur, Rémi Hess, Michel Sénécal, Maxime Cervulle, Razmig Keucheyan, Hervé Zénouda, David Allen, David Douyère, Christophe Magis et Haud Guéguen viendront nous parler des œuvres d’Henri Lefebvre, Armand Mattelart, Raymond Williams, Antonio Gramsci, Lucien Goldmann, Guy Debord, Joseph Gabel, Herbert Marcuse et Axel Honneth.
Séance 2 – Rémi HESS : Culture, quotidienneté, urbanité : Henri Lefebvre.
INTRODUCTION FG : Nous accueillons aujourd’hui Rémi HESS qui nous a fait l’amitié de bien vouloir intervenir sur un penseur qui lui est cher, Henri Lefebvre, qui fut son directeur de thèse et sous la direction duquel il effectué une thèse sur Les maoïstes français : une dérive institutionnelle, publiée en 1974 aux éditions Anthropos.
Professeur en sciences de l’éducation au sein de l’université Paris 8, Rémi HESS a participé au courant dit de l’analyse institutionnelle avec René Lourau, Georges Lapassade et d’autres et dont j’espère qu’il nous dira quelques mots. Il est l’auteur de très nombreux ouvrages traduits en une douzaine de langues. Je me permettrai de citer La pratique du journal réédité en 2010 chez Téraèdre ; La relation pédagogique avec Gabriele Weigand en 2007 chez Anthropos ; Produire son œuvre : le moment de la thèse en 2003 chez Téraèdre ; ou encore Des sciences de l’éducation en 1997 chez Anthropos.
S’agissant plus particulièrement de l’œuvre d’Henri Lefebvre, dont Rémi HESS est vraisemblablement le plus fin connaisseur, il a publié : Henri Lefebvre et l’aventure du siècle (Métailié, 1988), Henri Lefebvre et la pensée du possible, théorie des moments et construction de la personne (Anthropos, 2009) et en collaboration avec Sandrine Deulceux Henri Lefebvre, vie, œuvres, concepts (Ellipses, 2009). Par ailleurs, depuis 1988, Rémi Hess a réédité une quinzaine d’ouvrages d’Henri Lefebvre chez Méridiens Klincksieck et chez Anthropos.
Également grand spécialiste de la danse de couple et notamment du tango, Rémi Hess va donc présentement nous faire participer à une milonga d’un genre particulier, diurne et lefebvriste, et nous lui laissons tout de suite la parole afin qu’il ouvre le bal.
Séance 3 – Michel SÉNÉCAL : Médias, idéologie et communication-monde : Armand Mattelart.
Séance 4 – Razmig KEUCHEYAN : Culture, front culturel et subalternité : Antonio Gramsci.
INTRODUCTION FG : Cet après-midi, dans la continuité de la séance de ce matin, nous allons bénéficier des lumières de Razmig KEUCHEYAN qui va évoquer Antonio GRAMSCI et que nous sommes très heureux d’accueillir. Razmig est maître de conférences en sociologie à l’université de Paris IV-Sorbonne, grand connaisseur du continent critique et auteur d’un livre remarqué et remarquable : Hémisphère gauche. Une cartographie des nouvelles pensées critiques, sorti chez Zones/La Découverte en 2010, ouvrage particulièrement stimulant s’agissant des perspectives critiques contemporaines.
Il est aussi l’auteur de plusieurs autres ouvrages :
- Le constructivisme. Des origines à nos jours publié chez Hermann en 2007 ;
- La théorie sociale contemporaine avec Gérald Bronner aux PUF en 2012 ;
- Pas plus tard qu’hier vient également de sortir : La nature est un champ de bataille. Essai d’écologie politique chez Zones/La Découverte ;
- et bien sûr, aux éditions La Fabrique en 2012, il a publié une anthologie de textes d’Antonio Gramsci sous le titre Guerre de mouvement et guerre de position.
Alors pourquoi faire une séance sur Gramsci ?
-D’une part, il nous a semblé que le couplage Cultural Studies/pensée gramscienne constituait un package logique au regard de l’influence que Gramsci a joué dans les modèles d’analyse notamment construits par l’école de Birmingham et que le tout consituerait donc une journée d’études cohérente ;
-D’autre part, et plus fondamentalement, parce que la pensée de Gramsci a évidemment avoir avec le matérialisme, la culture et la communication et ce à plus d’un titre.
Avec des notions comme celles d’hégémonie, d’appareil d’hégémonie, de guerre de position, de contre-hégémonie, de bloc historique, d’intellectuel organique, de national-populaire, de journalisme intégral, le couple conceptuel orient/occident ou encore sa typologie des romans, Gramsci va faire de la culture et de son rapport au pouvoir une dimension importante de la conflictualité sociale et de l’extension du domaine de la lutte, sans ramener, à aucun moment la confluctualité sociale et les rapports sociaux à de simples rapports de représentation. Je précise cela, car certains continuateurs français des CS on eu la tentation de dissoudre les rapports sociaux dans les représentations de ces rapports, puisque, ont-ils pu nous dire, la société n’existe plus et que seul son double aurait une réalité.
Séance 5 – Michel SÉNÉCAL : Culture et sociologie critique : Marcel Rioux.
Séance 6 – Hervé ZÉNOUDA : Situationnisme, culture et communication : Guy Debord.
INTRODUCTION FG : Nous sommes aujourd’hui rassemblés pour la 7ème séance du séminaire « Matérialismes, cultures et communication » et nous accueillons Hervé ZÉNOUDA qui nous fait l’amitié de venir de Toulon pour nous présenter la pensée de Guy Debord.
Après avoir beaucoup martyrisés caisses claires, charlestons et autres grosses caisses, non sans un certain talent, Hervé ZÉNOUDA a quitté le cœur lâche, quelques jouets peu recommandables, mais aussi les mathématiques modernes pour s’adonner finalement aux sciences humaines et sociales. Il est actuellement Maître de Conférences en Sciences de l’Information et de la Communication au sein de l’université de Toulon et chercheur au sein du laboratoire I3M pour Information Milieux Médias Médiations, laboratoire où il travaille sur le Design sonore interactif, l’Esthétique de l’art numérique et les Relations arts savants /arts populaires.
Hervé ZÉNOUDA a notamment publié en 2008 Les images et les sons dans les hypermédias artistiques contemporains : de la correspondance à la fusion, ainsi que de nombreux articles sur le fait musical, les interfaces musicales numériques, le rapport musique savante/musique populaire ou encore la Kabbale.
Présentement, Hervé est venu nous perler d’une autre de ses passions, celle qui l’attache à l’auteur de La Société du spectacle, ouvrage phare de l’Internationale Situationniste qui renouvelle le diagnostic d’un présent aliéné par la marchandise, les machines de consommation et le spectacle ; mouvement artistique et révolutionnaire d’avant-garde dont les bases seront jetées à la fin des années 50 dans un manifeste intitulé Rapport sur la construction de situations et sur les conditions de l’organisation et de l’action de la tendance situationniste internationale, lequel explique qu’il s’agit d’élever la vie au niveau de ce que l’Art promet. Autrement dit, c’est à partir de l’art, de ce qu’il est capable de faire à la vie quotidienne que peut surgir une nouvelle théorie révolutionnaire.
Debord, comme vous le savez sera le principal animateur de la revue Internationale Situationniste, notamment au côté de Raoul Vaneigem, médiéviste et révolutionnaire belge, auteur de Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations, qu’il rencontra via l’entremise d’Henri Lefebvre dont nous avons parlé lors de la dernière séance. Debord décède en 1994, il laisse derrière lui une œuvre cinématographique des plus originales et évidemment de nombreux écrits qui font de lui un marxiste et un matérialiste original qui affirmera notamment que, je cite, « le spectacle n’est pas un ensemble d’images, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images ». Finalement peu lu et peu regardé, considéré parfois comme assez peu sérieux, rejeté par les disciplines académiques, sa production théorique serait pourtant, d’après Anselm Jappe, l’un de ses meilleurs lecteurs critiques, une pensée des plus riches et authentiquement révolutionnaire qui pour reprendre un titre de ses films nous permettrait de ne plus tourner en rond dans la nuit et d’être dévorés par le feu (In girum imus nocte et consumimur igni)
Séance 7 – David ALLEN & David DOUYÈRE : Aliénation, fausse conscience & communication
INTRODUCTION FG : Si vous le voulez bien nous allons commencer la séance ; 8ème séance du séminaire « Matérialismes, culture & communication », laquelle sera une première, puisqu’aujourd’hui la conférence sera assurée à deux voix, par David ALLEN et David DOUYÈRE qui sont venus nous parler d’un auteur un peu oublié mais qui nous semble pourtant fort intéressant, à savoir Joseph GABEL.
David ALLEN est psychanaliste, maître de conférences en psychologie à l’université de Rennes II, et membre du laboratoire de psychopathologie psychanalytique de cette même université. Il est notamment l’auteur de Critique de la raison psychiatrique ; quelques éléments pour une histoire raisonnée de la schizophrénie, publié chez Erès en 1999, et vient de monter la revue Le Phare, consacrée à la langue arabe et aux sciences humaines et sociales.
David DOUYÈRE est pour sa part maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à Paris 13, membre du Labsic ; il anime avec Hélène Bourdeloie le séminaire Méthodes de recherche en information-communication, avec laquelle il vient de diriger l’ouvrage Méthodes de recherche sur l’information et la communication. Regards croisés qui sortira sous peu dans la collection MediaCritic aux éditions Mare & Martin.
Nos collègues sont donc venus nous parler de Joseph Gabel qui fut à la fois psychiatre, philosophe, sociologue, mais surtout marxiste et essentiellement connu pour ses travaux sur l’idéologie, la réification, la fausse conscience et l’aliénation, qui mixent à la fois les apports de l’école marxiste hongroise (notamment Mannheim et Lukacs) avec les travaux de psychopathologie d’Eugène Minkowski qui fut son directeur de thèse, notamment sur les états schizophréniques et le rationalisme morbide ; thématiques qui résonnent fortement avec certains des thèmes de la pensée critique et notamment de la Théorie critique avec ses concepts de raison instrumentale, de souffrance, de réification et bien sûr de pathologie sociale.
Séance 8 – Christophe MAGIS : Sensibilité esthétique et société unidimensionnelle : Herbert Marcuse.